Textes

Peau de choses

 

...Il est des choses magiques qui peuvent vivre à l'infini : il suffit pour cela de braver l'espace, défier les formes et la raison et faire fi
de tous nos préjugés.

Bernard Briançon a ce pouvoir de redonner la vie aux choses.
Mais les choses ont un passé, une mémoire qui colle à la peau usée de leur nouveau personnage...

Et si le lièvre et la tortue jouent avec le temps, la tortue lentement, le lièvre en une course folle, ce ne sera que l'espace éphémère de
leur longue vie, ou d'une exposition.

Nicole Gole, mars 1997

Les choses ont une âme

 

..."Les choses ont une vie bien à elles, clamait le gitan avec un accent guttural; il faut réveiller leur ame, toute la question est là"...

Gabriel Garcia Marquez
"cent ans de solitude"

Percer pour voir

Il faudrait passer au-delà des anecdotes, de l'aspect ludique, de ce qui "pourtant merveilleux " appartient aux contes et aux légendes,
traverser l'écran des apparences pour comprendre qu'il sagit avant tout d'une expérience du regard. Un regard qui cherche à dépasser l'apparence
du visible, à la traverser, à se conduire vers le lieu ou les objets, les choses se donnent pour et dans leur vérité. Non pas une vérité morale,
ni la vérité mais une vérité secrète qui appartient en propre aux objets, aux choses et qu'il s'agirait d'apercevoir,de percevoir, mieux encore
de percer pour voir.
Un regard phénoménologique qui exerce la fonction d'intentionnalité. L'intentionnalité prend ici la forme d'une déconstruction, une mise à plat
ou une mise en pièces. Mis en pièces, le ballon est décousu, déplié et laisse soudain apparaitre une forme qui pourrait avoir été
cachée en lui ; sa vérité. L'expérience phénoménologique nous confronte à cette vérité que nous ne voyons pas. Nous ne pouvons jamais
voir toutes les faces d'un objet, l'une au moins reste de l'ombre.
Le travail de Bernard Briançon se construit sur ou contre cette expérience et impose l'intentionnalité de son regard pour que toutes
les faces soient désormais visibles et enfin visibles dans leur vérité, leur monde, leur appartenance, leur lieu. Ce qu'il montre ce ne sont
ni des objets, ni des animaux mais des objets dont son regard aurait dévoilé le secret, levé le voile des apparences pour lui rendre cette vérité
cachée qui pourrait etre son ame.


Sally Bonn
13 avril 2000

A B C Daire...

Abracadabra, formule magique qui transforme les citrouilles en carrosses et les ballons en tortues... Mal utilisée elle peut faire
passer des vessies pour des lanternes.

Ballons, de football, de volley ou de rugby, pour le cuir, pour le jeu, pour mes souvenirs d’enfant, pour le 26 mai 93.

Cuisine : mes premiers diplômes…quelques années aux fourneaux, les papilles en ébullition, aujourd’hui encore mon alchimie quotidienne.

" Délicatessen " de Jeunet et Caro.

Enfant : un mélange de fraîcheur, de curiosité, d’innocence, et de cruauté… Un état d’esprit que je garde précieusement au fond de moi
comme la plus petite et la plus fragile des poupées gigognes autours de laquelle je me construis jours après jours.

Félicien Rops 1833-1898.

Greco (le) 1541-1614.

Hommage à la beauté féminine, torses nus au photomaton, témoignages et discussions, puis finalement " F… ".

Impression, ambiance indicible, réaction instinctive… mon comportement non pas lunatique mais lunaire…

]oker !

Kilogrammes : excès, prise, perte…mesure complexe(s).

" Les météores " mais aussi " la goûte d’or " et les autres écrits de Michel Tournier.

Mythes et légendes, des sirènes à la bête du Gévaudan, des vampires au triangle des Bermudes, j’aime que l’on me raconte des histoires.

Nougaro Claude.

Odeurs, figuier, mimosa, branche de tomate ou terre humide de haute provence.

Portraits du Fayoum, Egypte romaine ; peinture à la cire sur bois… Ils ont une âme assurément.

Quarante cinq tours, vinyle d’un autre temps, le premier que je me suis acheté : " laisse béton " par Renaud, je l’ai toujours,
le reste de sa discographie aussi.

Raetz Markus : artiste contemporain dont je ne me lasse pas et pour qui je pourrais casser ma tirelire.

Suchard, le rocher, un pécher mignon n’importe quand, n’ importe où…

Totem, le mien : mi-ours/mi-tortue, je me réveille en grognant comme un ours, je danse comme un ours, doux comme un nounours
je cache ma fragilité sous une carapace. J’avance lentement en prenant le temps de digérer les choses en gage de sagesse et de longévité,
puis soudain je sors de ma tanière comme un ours mal léché…

Une quatrième dimension pour mes objets : le temps, une dimension qui se mesure en souvenirs, en rayures, en traces, en coups,
une mémoire à fleur de peau.

" Voyage avec Charley " de Steinbeck.

Weiss et Fischli pour "der lauf der dinge " mais pas seulement.

X classé X "Lolita" de Nabokov ainsi que les reves et cauchemards que ce livre à suscité chez moi.

Yeux « voir briller parfois une lueur d’admiration dans les yeux d’une femme » le moteur secret de mon engagement artistique.

Zèbre : noir sur blanc ou bien blanc sur noir… Question de point de vue comme tout le reste.

 

Bernard Briançon

Ma démarche artistique

Plasticien, enseignant des cours périscolaires et intervenant auprès de publics spécifiques : enfants en échec scolaire,
étrangers en phase d'alphabétisation ou personnes agées isolées, mon approche est basée sur l'écoute, le partage et l'échange.
Ma démarche artistique, ancrée dans la complexité actuelle se veut polymorphe et non réductible.

Le témoignage de mon engagement se matérialise dans des dispositifs variés: collages, peintures, photographies, sculptures, ect...
Pour exprimer une relation d'intimité avec le monde. Ma production en forme de collection figurale, s'inscrit dans les racines
communes qu'elle partage avec tout ce qui existe de gens, de vies et de choses à ma portée. Chacune de mes créations agit
comme un point de rencontre, de métissage d'éléments hétérogènes issus du quotidien. Textes, photographies, images de magazines
ou objets usuels, parfois utilisés à contre emploi, sont autant de fragments de vie empruntés aux archétypes populaires.
Ils fonctionnent alors comme des signes ; vestiges d'une archéologie du banal et participent à l'inventaire onirique des mythes
et légendes de notre temps...
Par assemblage, collage ou jeux de construction, je recompose de petits univers hybrides, poétiques et ludiques. Il s'agit pour moi
d'explorer laborieusement la surface des choses, utiliser les traces qui sont la mémoire de la matière comme point de départ pour la
narration, pour broder l'imaginaire collectif dans le tissus social.
Je me permet un temps de "prendre le temps", de regarder, d'entendre, d'interroger les matériaux et les gens sur la fragilité de l'instant,
sur l'éphémère de la vie.
A force de recyclages, de remodelages et de rencontres improbables, mes recherches "titillent" la question de l'identité, des identités
culturelle et personnelle... Sans imposer de réponses, sans boucler la boucle mais en proposant un autre point de vue, une perception
alternative, à la fois de l'ordre du symbolique, du réel et du poétique.
Ainsi dans mon univers, les tortues, lièvres, sirènes et autres "fabuloseries" accompagnent les icônes contemporaines dans
une histoire de parcours et d'itinéraires à déterminer à travers l'espace et le temps... Le temps en guise de quatrième dimension,
le temps qui passe, le temps qu'il fait, celui qui use, celui qui laisse murir, le temps d'écouter les vieux ou le temps de voir grandir mon fils...

Par cette approche, je propose une confrontation d'expériences multi-culturelles et de problématiques humaines, urbaines, contemporaines.
Dans un dialogue inter-générations, au moyen de mots ou d'images je m'efforce d'esquisser une réflexion sur l'état des choses,
sur la marche du monde...

 

Bernard Briançon

 

 

 

La vache à trois cornes… légende Ciotadenne.

Une légende veut qu’à la Ciota les vaches aient trois cornes… Tout à commencer il y a bien longtemps, au siècle dernier ou même à la fin de celui d’avant.

La scène se passe dans un train, un de ces tortillards attelés à une locomotive grinçante et fumante. Un enfant assis dans les premières places du wagon  de tête déguste une glace à la fraise,  au moment ou le convoi s’ébranle dans le sifflement strident d’un jet de vapeur.

 

Le garçonnet pour qui ce voyage est le premier sur rails, sursaute, panique, gesticule à en perdre sa gourmandise et sa bonne humeur… Le cornet après un vol plané majestueux fini sa course sur le front d’une vache stationnée en bord de voie, provoquant l’hilarité générale parmis les passagers et un sentiment de fraîcheur (très localisé) chez le ruminant.

Tandis que le train prend peu à peu de la vitesse, la vache remue la tête ;  a ce jour on ignore encore si les mouvements de la bête avaient pour but de se débarrasser de cet appendice incongru, de laper le nectar sucré  ruisselant sur ses naseaux ou bien de faire fuir quelqu’abeilles par l’odeur alléchées…

 

Quand les wagons de queue arrivent au niveau de l’infortunée génisse, les voyageurs sont entassés dans des espaces exigus, assis sur des bancs de bois sans confort et le paysage défile sous leur yeux à travers d’étroites fenêtres. Il n’est pas étonnant dans ces conditions que certains entre aperçurent un animal extraordinaire, mi-nautore mi licorne, un bœuf avec quelque chose d’un espadon, une monstruosité de la nature…La faconde et le sens de l’exagération de certains (des Marseillais sans doute) firent le reste et bien vite le bruit couru qu’entre Aubagne et Ceyreste paissaient  de biens curieux bestiaux.

 

L’histoire prend de l’ampleur, chacun en donne sa version avec force détails et quelques semaines plus tard les autorités ordonnent un enquête tandis que les curieux en nombre arpentent la région à la recherche de cette sacré vache … Même les frères Lumière installent leur matériel cinématographique du coté de la gare de la Ciota espérant saisir l’insaisissable.

La légende de la vache à trois cornes est en marche…

 

 

Bernard Briançon

 

 

 

Les jardins du MIP

-Tout a commencé par une lecture : « Alice au pays des merveilles » de Lewis Carroll.

-Ma pratique artistique et ma fonction d’enseignant sont intimement liées. L’une et l’autre se nourrissent, s’enrichissent, se répondent. Ma production est ainsi faite de récupérations, récupérations d’objets de rebut, mais aussi de fragments de vie glanés à la faveur d’une discussion ou d’une séance photo. Je procède comme un archéologue du quotidien, un (en)quêteur aux méthodes sociologiques, pour assembler du banal et « faire sens ».

-Hic et nunc, il est ici, aujourd’hui, question de matières, de supports, de gestes dans l’espace et le temps, en deux et trois dimensions… L’éclosion d’une fleur rouge comme improbable dynamique d’un ballon de rugby, le cuir se fait végétal, le sport se fait art, reste le jeu… Et le temps passe. Le pot de céramique du jardinier est plat, sa fonction demeure symbolique.

-Construire une exposition, imaginer un schéma, penser un cheminement… Par marcottages, rebonds, ricochets, digressions... Si j’étais un végétal, je ne serais ni chêne ni roseau, je serais ronce, ne produisant ni meubles ni flûtes, seulement quelques mûres sucrées, à la saveur d’enfance . Mon parcours n’est pas ligne droite, il est chemin de traverse ou des écoliers. Giono disait : « Marchons lentement, nous rencontrerons plus de monde ». J’aime les minuscules et belles rencontres, les petites expériences qui satisfont ma curiosité et remplissent ma mémoire. Comment une idée en entraîne une autre, comment une lecture fait voyager, comment une première intention amène ailleurs, comment la déambulation ouvre les espaces ...?

Beaucoup de questions, peu ou pas de réponses, des sculptures, des dessins , un parfum… Pas de mode d’emploi, chacun sa visite, chacun sa rêverie .

-Le parfum « Mirlando » (le pays des merveilles, en Esperanto) a été élaboré avec le concours précieux de Corinne Marie-Tosello de la société Connessens, les conseils judicieux de Christophe Mèje et le savoir faire de Marie Duchêne de MD Fragrances. Les flacons n’auraient pas vu le jour sans la magie de Pierre Architta. Le package existe sur une idée de Richard Lecoq.

-Je n’aurais rien fait de tout cela sans la complicité de Jane, d’Edmond et de Nathalie, sans la présence à mes côtés de ma femme et de mon fils, sans la confiance d’ Olivier Quiquempois.